
Françoise d’Eaubonne
Françoise d’Eaubonne (1920-2005) est une femme de lettre française et militante, autrice d’une oeuvre immense et variée (poèmes, essais, science-fiction…).
Engagée depuis son plus jeune âge, dans la résistance lors de la seconde guerre puis au sein du parti communiste, elle quitte ce dernier pour se rallier à la cause des femmes. Elle s’implique ensuite au sein du Mouvement de libération des Femmes (MLF) puis du Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar).
Par son implication militante, ses recherches et analyses, elle développe une pensée « écoféministe ». L’origine de ce terme, apparu en 1974 en France, lui est largement attribué. Elle cite dans l’une de ses oeuvres clé*, Le Féminisme ou la mort, Slulamith Firestone et son ouvrage La dialéctique du sexe, dans lequel cette dernière fait référence au « contenu écologique du féminisme ».
Françoise d’Eaubonne fonde le groupe « Écologie-féminisme » au sein du Front Féministe, dont l’essence est de réfléchir à l’instauration d’une société libératrice et libre de rapport de pouvoirs, au féminin (comprendre égalitaire) et respectueuse de nos ressources naturelles.
A travers ses écrits, elle détaille son analyse matérialiste et historique du patriarcat, et développe sa pensée écoféministe dans le but de sortir de cette oppression et offrir des perspectives égalitaires et durables.
Pour elle, le capitalisme n’est que le stade ultime du patriarcat, ce dernier s’étant forgé du temps des Amazones, soit environ 3000 ans avant JC.
Elle explique qu’à cette époque, les femmes étaient en charge de l’agriculture, et se sont vues dépossédées de cette mission lorsque les hommes ont appris que leur fécondité personnelle n’avait rien de divin, mais était biologique. Leur « pouvoir » de fécondité, sur la terre et pour la reproduction humaine, s’est vu désacralisé, ce qui a marqué le début de cette double dépossession pour les femmes.
Elle analyse l’évolution du patriarcat et de l’ère industrielle, début du capitalisme, combo ayant conduit à une démographie exponentielle (elle a vécu à une période au cours de laquelle la population mondiale est passée de 3 à 6 milliards d’êtres humains en 30 ans) couplée à la destruction de la nature par sa surexploitation et la pollution massive généralisée.
Dans son oeuvre précédemment citée le Féminisme ou la mort, Françoise d’Eaubonne s’attèle particulièrement à l’analyse de l’évolution de la démographie au cours des derniers siècles, puis pays par pays au cours des dernières décennies, avec le grand dénominateur commun : l’avortement et son interdiction. Elle explique en quoi le corps des femmes ne leur appartient pas, et fait de multiples parallèles statistiques entre démographie et pollution, accroissement du mal-être et surexploitation des ressources.
Elle évoque de façon plus globale la sexualité « non-reproductive » en faisant également le lien avec l’homosexualité, réprimée pour les hommes et opprimée pour les femmes.
Guidée par ce parallèle capitalisme/patriarcat – surexploitation de la nature/asservissement des femmes, soit la surpopulation et la destruction des ressources, les 2 menaces immédiates qui pèsent sur l’humanité, elle propose des pistes concrètes pour une gestion égalitaire d’un monde à renaître.
Pour ce « monde à renaître », Françoise d’Eaubonne militait pour une décroissance, qui par une consommation réduite entrainerait une diminution de la production, et donc une préservation de nos ressources naturelles. Timothée Parriques, économiste émérite et convaincu par cette issue, la cite d’ailleurs dans son récent ouvrage**, parmi de nombreux autres économistes ayant développé des théories similaires un peu partout dans le monde.
*Le féminisme ou la mort, Françoise d’Eaubonne, 1974. Nous vous le conseillons dans l’édition Le passager clandestin, car il est préfacé par Myriam Bahaffou et Julie Gorecki, qui offrent une belle entrée en matière et apportent notamment un regard objectif sur le « pan manquant » : le lien entre le colonialisme et ce mouvement.
** Ralentir ou périr, Timothée Parriques, 2023.