Fatima Ouassak
Parce que ces personnalités et leurs initiatives nous réjouissent et nous inspirent, nous souhaitons les partager et relayer leurs mots, travaux, parcours.
Offrir une voix politique aux mères et placer l’écologie au coeur des quartiers populaires, grands oubliés des luttes écologistes
Fatima Ouassak est politologue, autrice, co-fondatrice d’un collectif et d’un tiers-lieu.
Née au Maroc, Fatima Ouassak arrive dès son plus jeune âge en France, avec sa famille. Elle grandit dans un quartier populaire du nord de la France, se passionne pour l’école, et se ressource chaque été dans la nature de sa région natale. Quand vient le moment des études, ses prises de conscience et expériences personnelles la guident aux portes de Sciences Po.
Fraîchement diplômée, elle devient consultante dans le domaine des politiques publiques. Elle observe à travers ses missions le fonctionnement des pouvoirs publics en direction des quartiers populaires. Elle constate non sans peine le sexisme et le racisme ambiants, les rapports de classes et de domination. Cette expérience constituera son premier « élément déclencheur » en faveur d’une carrière et d’actions engagées pour construire un monde humaniste.
Le second se produira lors de ses maternités.
Elle fait l’expérience d’injonctions sociétales multiples et infondées en tant que jeune maman, et fera une fois de plus l’expérience d’un racisme virulent lorsqu’elle plaidera pour une alternative végétarienne à la cantine de ses enfants.
Le front de mères naît en 2016
Fatima Ouassak qualifie ce collectif d’héritage de la lutte « des folles de la place Vendôme », ces mères venues crier et demander justice, lors de la journée internationale contre le racisme de 1984, pour les crimes racistes dont furent victimes leurs enfants. Fatima Ouassak n’est pas essentialiste, elle explique que ce syndicat s’appelle Front de mères car ces dernières sont aujourd’hui, en France, les grandes absentes de la scène politique.
Elle analyse cet angle mort du féminisme français. Voici un extrait de son premier livre, La puissance des mères :
« Le féminisme en France tend à dissocier radicalement femme et mère, femme et famille, femme et enfant. On peut en comprendre les causes historiques, liées à la structuration du féminisme français en partie autour des luttes pour le droit à l’avortement et pour l’émancipation des femmes du contrôle familial. Ce sont des luttes de libération évidemment nécessaires, mais elles ont certainement contribué à produire une culture politique qui tend à réduire les mères à leur statut de femme. »
Etre mère dans les quartiers populaires
Etre mère fait naturellement naître des inquiétudes, qui sont décuplées lorsque le lieu de vie et l’apparence physique de vos enfants les stigmatisent et les mettent en danger. A cela s’ajoute la question centrale de l’école et de l’égalité des chances.
Ce syndicat de parents des quartiers populaires vise à déployer la puissance des mères comme sujet politique.
Parler d’éducation et de transmission, créer des projets pédagogiques et des actions politiques afin de lutter contre la discrimination institutionnelle subies par les enfants issus des quartiers populaires au sein de l’école.
Liberté de circuler
L’avenir des enfants est au coeur de la décision migratoire. Partir pour leur offrir un avenir meilleur.
Fatima Ouassak évoque l’émigration-immigration, la liberté de circuler entre l’Europe et l’Afrique non réciproque, la liberté de circuler dans et hors des quartiers populaires, du droit d’accueil occasionnel des amis et de la famille restés au pays.
Elle fait le lien avec la mise à l’abri des populations qui subissent le plus le réchauffement climatique. Et du paradoxe européen, qui ferme progressivement ses frontières aux flux migratoires climatiques, mais qui continue d’exploiter la terre africaine, de permettre des projets écocidaires et colonialistes.
La question colonialiste et la liberté de circuler sont les angles morts des politiques écologistes européennes. Il est crucial de placer au centre du débat écologique la question de la justice, de l’égalité, de la dignité humaine.
Fatima Ouassak déroule la fameuse pelote de laine comme suit : « Tant que l’on sous-humanise une partie de l’humanité, on ne permet pas la protection de la terre qu’habite cette « sous-humanité », et c’est le désastre qui vise ces « sous-terres » qui entraine le réchauffement climatique.«
Penser l’écologie au sein des quartiers populaires
Fatima Ouassak présente des pistes de réflexion très concrètes sur ce sujet, dans son deuxième ouvrage intitulé Pour une écologie pirate, après avoir analysé la situation et les ressentis des habitant.e.s des quartiers populaires.
Le point central est la terre, à travers les questions de la propriété, de l’appropriation d’un lieu par ses habitant.e.s, et de la re-connexion à la terre en elle-même. Entre le bétonnage et les mécanismes de « désancrage » en place, ces sujets sont au coeur de sa réflexion et de ses propositions d’actions. Sans ancrage, il est difficile de se sentir concerné, légitime, en matière d’écologie notamment.
Pour matérialiser tout cela et créer du lien, de la transmission, de la sensibilisation, le Front de mères se lie avec Alternatiba en 2021 pour fonder le tiers-lieu Verdragon, maison de l’écologie populaire située entre Montreuil et Bagnolet.
Guidées par ses mots, ses aspirations profondes, l’humanité, l’égalité, la justice, le respect du vivant et la dignité humaine, nous attendons avec impatiente la parution du troisième volet de sa trilogie, et lui souhaitons vertueusement Bon Vent dans ses actions !
Sources :
Ses ouvrages :
– La puissance des mères
– Pour une écologie pirate
https://reporterre.net/Fatima-Ouassak-Chez-les-ecologistes-la-question-coloniale-est-un-angle-mort
https://lamatrescence.fr/episode-72-la-puissance-des-meres-fatima-ouassak/